Aux racines de l’« Angolagate »
La fin du méga procès de l’« Angolagate », que le pouvoir français a tenté en vain de rebaptiser « Falcongate », en absence d’inculpés angolais, approche. Le réquisitoire fleuve prononcé par les procureurs à l’encontre des quarantedeux prévenus a été sévère. Corruption, recel de bien sociaux, trafic d’armes…
Si, pour les premiers chefs d’accusation, la matière examinée par les juges a été abondante – Falcone ayant fait preuve de largesses à l’encontre de la plupart de ses co-accusés, et au-delà –, la question du trafic d’armes n’a pas vraiment été débattue. Irrités par la lettre du ministre de la Défense Hervé Morin, adressée à la veille du procès aux avocats de Falcone, selon laquelle le délit de trafic d’armes n’était pas constitué – s’agissant de matériel acheté à l’étranger et n’ayant pas transité par la France –, les juges se sont apparemment refusé à débattre sur le fond. Le délit de « trafic d’armes » a fait couler beaucoup d’encre. On a évoqué un embargo contre le pouvoir angolais de l’époque, l’interdiction de la France de vendre de l’armement à un pays en guerre, etc. Tout cela est archi faux, mais surtout ne tient nullement en compte le fait que l’Angola – ou plus exactement le gouvernement légitime angolais issu d’élections déclarées par l’Onu et les observateurs, comme « libres et justes » – s’est retrouvé dépourvu de moyens pour se défendre contre une rébellion armée que la communauté internationale a mollement déclaré illégale. Les États-Unis, parrains des accords de paix de 1991 entre le gouvernement et l’Unita, avaient assuré le gouvernement angolais de « la vigoureuse réaction » de la communauté internationale dans le cas, réputé improbable, d’une reprise du conflit, par initiative de leur poulain, Jonas Savimbi. L’armée angolaise, soumise au même régime que la rébellion puisque toutes deux devaient désarmer et démobiliser afin de créer une armée nationale, avait effectivement été démantelée. L’Unita était insaisissable. Les révélations de deux de ses dirigeants, dont son vice-président, au sujet de 20000 hommes en armes cachés en brousse et prêts à réagir à une éventuelle défaite électorale, n’avait pas donné lieu à la plus petite enquête. Le report des élections demandé par Luanda avait été rejeté à Washington comme à l’Onu, où l’on était convaincu que le MPLA ne cherchait qu’à retarder l’inéluctable victoire de son rival. Piètres analystes. La défaite de l’Unita fut nette (34 %). Et, comme prévu, l’offensive préparée de longue date était lancée. En quelques semaines, l’Unita occupait les principaux centres stratégiques (pétrole, diamants), les plus importantes villes du pays, soit trois quarts du territoire. Avec les caisses vides, et l’ancien allié soviétique peu disposé à vendre à crédit, le gouvernement de Luanda s’est adressé à la France réputée par son indépendance… Avec les armes qu’elle a ainsi obtenues, l’avancée de l’Unita fut stoppée. Elle fut contrainte de signer un nouvel accord de paix. Aussitôt violé. Fort du contrôle sur des riches filons de diamants dans le nord-est du pays, l’Unita s’est massivement réarmée. Et a à nouveau défié l’armée angolaise. C’est ce qui a fait la fortune de Falcone et de son associé Gaydamak, qui poursuivirent, en les amplifiant, leurs juteuses transactions. Si l’on peut regretter les dérives du côté angolais que ces affaires ont engendrées, on ne peut occulter et encore moins dédouaner les responsabilités de la communauté internationale qui a imposé une solution négociée sans se donner les moyens de la faire respecter. Cela a coûté à l’Angola dix années de guerre supplémentaires, des destructions estimées à plusieurs milliards de dollars et des centaines de milliers de vies.
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